Qu’est-ce que la didactique de l’Histoire ?

La didactique de l’Histoire

La didactique de l’histoire est la discipline qui s’intéresse à toutes les situations d’appropriation de savoirs. Elle intègre aussi bien une réflexion épistémologique (logique des savoirs), psychologique (logique de l’appropriation des savoirs) que pédagogique (en tant que science de la relation).

Il existe, selon J.P. Astolfi (1986), deux approches possibles de la didactique :

  • en amont, en prenant en compte les contenus d’enseignement comme objet d’étude pour repérer les principaux concepts qui fonctionnent dans la discipline et l’analyse de leurs relations;
  • en aval, en approfondissant l’analyse des situations d’appropriation de savoirs des élèves pour mieux comprendre de l’intérieur comment cela fonctionne et ce qui s’y joue : l’étude des représentations, leurs modes de raisonnement, la manière dont les élèves décryptent les attentes de l’enseignement.
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En didactique, le modèle intermédiaire d’appropriation de l’Histoire (Lautier, 1997 ; Cariou, 2012) et le concept de « transposition didactique » (Verret, 1975 ; Chevallard, 1985, 1991) ont montré leur valeur heuristique. Ces modèles sont/seront présentés dans ce blog.

Outil pédagogique sur la chronologie préhistorique.
Comment enseigner la chronologie ?

Historique de la didactique en Histoire

Les recherches fondatrices de la didactique de l’Histoire débutent dans les années 1990 avec les travaux de François Audigier (Audigier, 1995 ; Audigier et al., 1996) pour le collège puis de Nicole Tutiaux-Guillon pour le primaire (Audigier et Tutiaux-Guillon, 2004). Un état des lieux sera produit dans un article de référence en 2008 (Lautier et Allieu-Mary, 2008). Tous les textes insistent sur les difficultés[1] de l’enseignement de l’histoire et la persistance d’un modèle pédagogique positiviste sous la forme principale du cours magistral ou du cours magistral dialogué caractérisés par des activités de « basse tension intellectuelle » (Pouettre et Mousseau, 1999).

  • C’est ce qu’a démontré Audigier à travers son modèle 4R :
    • « on enseigne des Résultats contre la dimension critique,
    • on s’appuie sur un Référent consensuel qui gomme les débats,
    • ce qui est soutenu par le Refus du politique dans la classe et la revendication d’un savoir scientifique apolitique ;
    • enfin, on développe une vision Réaliste, comme si le passé était directement visible à travers les traces »).
  • C’est aussi ce qu’à illustré Tutiaux-Guillon à travers la notion de « boucle didactique » :
    • question de l’enseignant/réponse brève d’élèves
    • évaluation des réponses par l’enseignant/reformulation et compléments par l’enseignant.

Pour ces auteurs, l’enseignement de l’histoire est principalement construit autour du « roman national ». Il est considéré que « la connaissance du passé suffit à fabriquer une culture commune sous forme d’une matrice dans laquelle tous les élèves, citoyens en construction, viendraient puiser les raisons de leur adhésion aux valeurs de la république et de la démocratie » (De Cock, 2014, p. 2).

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L’enseignement de l’histoire : état des lieux désastreux

Des rapports et des enquêtes sur l’enseignement de l’histoire

Différentes études, enquêtes et bilans comme le constat sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie en fonction des programmes de 2002 (Philippe Claus, Eduscol[2]), le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale de 2005[3] pour le primaire, l’enquête menée par la DEPP en 2007 auprès de 300 collégiens, le bilan de mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008[4] et la note d’information de la DEPP portant sur les acquis des élèves en fin de collège en 2012.

Tous ces rapports révèlent de nombreuses difficultés :

  • problèmes à l’écrit (les élèves ne rédigent pas et ne répondent qu’aux QCM),
  • il suffit de mémoriser pour réussir les évaluations,
  • absence de réflexion sur les documents,
  • une succession de faits sans liens et sans problématisation,
  • le récit est très peu utilisé et rarement en tant qu’outil langagier[5] ,
  • les enseignants se plaignent d’un manque de formation face à certains thèmes historiques.

Une enquête auprès de 6000 élèves

L’enquête de 2015 réalisée par Lantheaume et Létourneau sur les récits de plus 6000 élèves montre « une conscience historique tenaillée entre le sens commun et les connaissances scientifiques et comme suspendue entre les savoirs sociaux et les savoirs historiques » (De Cock, 2014, p. 3-4).

Ainsi, on peut lire dans le rapport de 2015 que seulement 20% des cahiers d’histoire laissent apparaître au moins une fois une véritable démarche d’analyse documentaire. On y lit aussi que « les élèves acquièrent des connaissances ponctuelles et superficielles, dont la maîtrise n’est pas utile, mais qui n’entrent pas dans une problématique précise et ne permettent pas la construction de notions essentielles » (Loison, 2006).

La forme de l’enseignement gomme les débats et repose en grande partie sur une linéarité des apprentissages construits sur l’acquisition des connaissances et des méthodes. Elle ne développe pas de réelles capacités critiques bien que ce point soit très présent dans les programmes et les directives. Lorsqu’ils ont abandonné le cours magistral, les enseignants ont souvent recours aux « fiches d’activités » et aux documents photocopiés où il s’agit de rechercher et d’identifier des informations et de répondre aux questions posées.

Les nouvelles approches en didactique de l’histoire

D’autres alternatives sont pourtant possibles comme « rapprocher l’enseignement de l’histoire autant que faire se peut des pratiques de savoir historiennes afin de promouvoir un enseignement problématisé qui obéisse réellement à des finalités intellectuelles » (Cariou, 2014, p. 7).

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Sylvain Doussot

C’est notamment le sens des travaux de Sylvain Doussot au Centre de Recherche en Éducation de Nantes (CREN) avec la mise en place d’une « communauté historienne scolaire » en travaillant sur la mise en correspondance avec les pratiques des historiens (pratique sociale de référence) où il est question de problématiser des situations de recherche en travaillant sur les représentations des élèves, c’est-à-dire à partir du sens commun, avec des procédures destinées à éviter la « boucle didactique » (Le Marec et al., 2009 ; Doussot, 2011 ; Vézier, 2010).

Didier Cariou

Comme le souligne Didier Cariou, « l’écart reste considérable entre les savoirs que la société considère comme nécessaires et à enseigner et les savoirs effectivement acquis par les élèves. En effet, l’Histoire apprise n’est pas la copie conforme de l’Histoire savante et, dans cet écart, se déploie la didactique de l’histoire » (Cariou, 2012, p. 7). Mais dans le champ réduit de la didactique de l’Histoire, Cariou ne rejoint pas la position d’Audigier et de Tutiaux-Guillon qui consiste à penser comme Chervel (1998) que la « discipline scolaire » se suffit à elle-même en tant que référence en créant sa propre démarche et ses propres outils puisque trop éloignée de sa référence savante.

La spécificité de l’histoire scolaire par rapport à l’histoire académique n’est pas remise en cause mais leur relation est plutôt abordée du point de vue de la continuité que de la rupture. À l’instar de Nicole Lautier, Sylvain Doussot ou Laurence de Cock, il pense qu’il est possible de proposer une autre alternative au « roman national ».

Nicole Lautier

Cette alternative consisterait à mettre en place un « modèle intermédiaire d’appropriation de l’histoire », un apprentissage du raisonnement historique, tel que proposé par Lautier (1997) qui permet d’articuler aussi bien les apports de Vygotski (zone proximale de développement) que de Moscovici (représentations sociales).

Réflexion sur l’enseignement de l’Histoire

Une histoire en dépit du bon sens 🙂

Il est certain que l’enseignement de l’histoire à l’école pose question. Il est souvent fastidieux et sans aucun sens. À quoi sert-il d’apprendre des personnages (exclusivement des gens puissants), des dates (majoritairement des guerres), des événements (essentiellement celles qui concernent l’histoire des puissants). 1515, Marignan ! Et ? Qui se souvient de ce qui s’est passé ? J’ai interrogé mon entourage : une partie se souvenait vaguement de Marignan, l’autre de rien de tout. Tous ne savaient pas à quoi ça pouvait servir de connaître cette date… On constate bien, comme décris plus haut, qu’il n’y a aucun raisonnement historique dans tout cela.

Une histoire simpliste

Pourquoi devons-nous attendre l’université pour apprendre ce qui s’est vraiment passé dans l’histoire ?

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Je me souviens par exemple, qu’arrivé à l’université, notre enseignant d’histoire contemporaine (j’ai fait un double DEUG Archéologie/Histoire de l’art et Histoire-géographie) nous a dit : “oubliez tout ce que vous avez pu apprendre à l’école, c’est faux. Ici on va apprendre la vraie Histoire” ! Et j’ai découvert la Révolution française sous un angle radicalement différent… Ce n’était plus le “roman national”!

En première ou en terminale, n’étais-je pas suffisamment intelligent ou en capacité de comprendre ce que l’on m’a enseigné en DEUG ? Assurément oui… Cela sous-entend qu’une majorité de la population (celle qui n’a pas fait des études d’histoire) reste avec des notions basiques et une vision romancée (par exemple la Révolution française serait synonyme de l’émancipation du peuple alors que ce fut le contraire).

Il en va de même lorsque l’on continue d’enseigner de fausses notions comme 1492 = la découverte de l’Amérique ou encore 1492 = la transition entre le moyen-âge et la Renaissance, sans jamais interroger ces affirmations (voir mon article sur 1492).

L’intérêt de l’archéologie pour reconsidérer l’enseignement de l’Histoire

L’archéologie vient à contre-pied de cette histoire. C’est elle par exemple qui a permis de révéler, par la datation d’artefact, que les premiers arrivants aux Amériques étaient des vikings. C’est elle qui relativise l’histoire du Louvre, etc.

Par une approche issue à la fois des sciences de la nature et des sciences humaines, elle permet une lecture de l’Histoire à partir d’une épistémologie de l’archéologie et de la méthode scientifique et expérimentale. Cette approche, spécifique à l’archéologie, vient alors s’additionner à celle du  modèle intermédiaire d’appropriation de l’histoire » pour les sujets purement historiques (basés sur les écrits). Ces deux approches permettent une lecture critique et raisonnée du passé.


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Bibliographie

[1] Le modèle de l’histoire scolaire en France serait « résistant aux débats et aux controverses » (Tutiaux-Guillon, 2003).

[2]« Comment l’histoire et la géographie sont-elles enseignées à l’école primaire ? Constat et évolution en cours », Philippe Claus, inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe du premier degré, http://eduscol.education.fr/cid46065/comment-l-histoire-et-la-geographie-sont-elles-enseignees-a-l-ecole-primaire%A0-constat-et-evolution-en-cours.html

[3] « Sciences expérimentales et technologie, histoire-géographie ; leur enseignement au cycle III de l’école primaire ». Rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, n° 2005-112, octobre 2005.

[4] « Bilan de mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008 ». Rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, n° 2013-066, juin 2013.

[5] Pour Cariou, « le récit historique est d’abord un outil langagier, un instrument psychologique au sens de Vygotski (1934), au service de la construction de la pensée et du savoir, en vertu du principe selon lequel l’activité langagière est constitutive de la pensée d’apprentissage », Cariou, 2014.


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